Paracétamol : primum non nocere*

  • Auteur: Abderrahim Derraji
  • Date de publication: 15 juillet 2019
  • Source: PharmaNEWS
La consommation du paracétamol augmente d’année en année, et les médicaments à base de paracétamol font partie des produits pharmaceutiques les plus vendus à travers le monde.

Cette molécule, qui possède des propriétés antalgique et antipyrétique, peut être nocive en cas de surdosage. Ceci est d’autant plus grave que peu de patients sont au courant de sa toxicité. À titre d’exemple, en France et malgré les compagnes de sensibilisation, seuls 14% des patients sont au fait de la toxicité du paracétamol. C’est sans doute ce qui a motivé l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM – France) à lancer une consultation publique afin de renforcer la prévention des risques hépatiques liés au surdosage du paracétamol.

À la suite de cette consultation publique, l’ANSM a décidé l’ajout d’un message «surdosage=danger» sur la face avant des boîtes de tout médicament contenant du paracétamol. L’ANSM a donné 9 mois aux laboratoires pharmaceutiques pour se mettre en conformité avec cette nouvelle exigence.

Un surdosage en paracétamol constitue une urgence médicale. Il est asymptomatique dans les premières heures et nécessite une prise en charge rapide avec administration de la N-acétyl-cystéine. Faute de quoi, on assiste à une destruction irréversible du foie pouvant engager le pronostic vital si aucune greffe de foie n’est envisageable.

L’hépatotoxicité du paracétamol par surdosage devrait interpeler les professionnels de santé, car il s’agit d’un principe actif efficace qui est largement prescrit par les médecins, conseillé par les pharmaciens et très utilisé en automédication. Elle devrait également faire réfléchir les autorités sanitaires avant la prise de toute décision occultant les spécificités des médicaments y compris les plus «anodins».

Malheureusement, dans certains pays ces autorités ont fini par céder aux partisans du tout économique qui semblent faire peu cas des risques que représente la vente des médicaments en dehors des pharmacies. Ces derniers oublient souvent qu’une vraie dispensation dans les règles de l’art ne peut être remplacée par un simple acte de vente dénué des conseils de bonne utilisation qui doivent l’accompagner pour garantir le bon usage des médicaments.

Aussi, cet usage inapproprié du paracétamol devrait nous inciter à organiser des campagnes de sensibilisation pour inciter les patients à utiliser convenablement le paracétamol. Nous devrions également mener une lutte sans merci contre la vente des médicaments dans les épiceries, les souks, etc. Les professionnels de santé devraient également s’impliquer davantage en pharmacovigilance pour détecter et quantifier les évènements indésirables des médicaments et leurs mésusages, faute de quoi on sera incapable de générer des alertes en relation avec certains mésusages qui sont propres aux usagers des médicaments au Maroc.

* Primum non nocere est une locution latine qui signifie : « en premier ne pas nuire », « d’abord, ne pas faire de mal ». C’est le principal dogme abstentionniste appris aux étudiants en medecine et en pharmacie. La plus ancienne trace de ce principe se trouve dans le traité des Épidémies d’Hipocrate, daté de 410 av. J.-C.
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